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Vingt ans après, Faïza Guène fait revivre l’héroïne de « Kiffe kiffe demain »

C’est à Marseille, où elle vit depuis plus d’un an, que Faïza Guène se prépare à la sortie de son septième roman. Sur la terrasse d’un bistrot de quartier dans lequel elle a ses habitudes, situé face à la Méditerranée, bien loin du centre-ville, l’autrice de 39 ans ne cesse de vanter son exil de la région parisienne pour cette cité profondément métissée. Devant son Perrier citron, elle semble pourtant préoccupée. En cet après-midi ensoleillé de juin, les élections législatives à venir colorent le début de la rencontre. « Ça ne sera plus jamais pareil. J’en veux à tous ces politiques qui ont abandonné les gens dans les quartiers populaires et qu’ils continuent à criminaliser. » Mais sa colère s’apaise dès qu’elle évoque ce qui l’occupera à la rentrée : la publication de Kiffe kiffe hier ?, le 21 août, aux éditions Fayard.
Le roman est la suite de son ouvrage à succès publié vingt ans plus tôt, Kiffe kiffe demain (Hachette Littératures) : le monologue de Doria, adolescente franco-algérienne de 15 ans vivant à Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis. Une sorte d’alter ego de Faïza Guène, qui saisit son quartier, la place des femmes d’origine immigrée, les rapports de classe. Vingt ans après, Doria n’a rien perdu de son humour corrosif. Elle a désormais 35 ans, des enfants, est au chômage et sur le point de divorcer.
Faïza Guène est elle aussi devenue mère, mais c’est désormais une autrice à succès. « Doria devait faire un bilan de toutes les dingueries qui se sont produites au cours de ces deux dernières décennies », lance l’écrivaine. Des événements tragiques comme les émeutes de Clichy-sous-Bois, en 2005, après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré (électrocutés dans un transformateur EDF où les deux ados s’étaient réfugiés pour échapper à un contrôle de police), ou les attentats terroristes de 2015. Mais aussi, et le sujet revient au début de la conversation, la forte montée de l’extrême droite en France. Dans le livre, l’héroïne s’interroge : « Qu’est ce qui a déconné ? »
Le texte est publié par une maison d’édition dont la ligne éditoriale prend un virage serré à droite. Depuis le 5 juin, Fayard – fleuron du groupe Hachette, propriété de l’homme d’affaires Vincent Bolloré – est en effet dirigé par Lise Boëll, qui a été éditrice, entre autres, d’Eric Zemmour, président du parti d’extrême droite Reconquête !, et de Philippe de Villiers. « Il est évident que cela me touche, pour des raisons idéologiques évidentes, souffle Faïza Guène. J’ai appris son arrivée en juin, autant dire trop tard. Je suis, comme beaucoup d’auteurs, prise dans l’étau des décisions des patrons de groupe. Mais j’essaie de défendre mon bouquin. »
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